éditions
Orage-Lagune-Express, 2004 Poème en six
promenades Cheval de
course "Mais toujours la
fenêtre qui rend à l'écolier le
monde lisible." J'aime beaucoup ce vers de
Christian Cottet-Emard extrait de l'un des six
poèmes qui constituent son dernier et
magistral recueil. Cottet-Emard est une sorte de
promeneur solitaire, amoureux des chemins
buissonniers et des beautés de la nature.
C'est difficile la nature en poésie.
Difficile et secret : il y a le dehors et le dedans
qu'il faut accorder, "réconcilier", disait
jadis François de Cornière. Par la
rigueur du verbe, le souffle et le rythme musical,
l'auteur se rapproche ici d'un Jean-Louis Roux
lequel pointe dans ce type d'écriture (lire
"La Stupeur des pierres".-Ed. Voix d'encre)
: "l'épreuve d'une
langue affrontée à l'impossible
paysage, au paysage impossible à
dire." Cette lucidité,
cette tension permanente vers "l'infini passage"
font alors du poète un irrésolu , un
indiscipliné quand le discours officiel
s'ingénie à brouiller les pistes ou
à les confondre en une seule et même
voie. (Christian Cottet-Emard .
- Le monde lisible. - Ed. Orage-Lagune
Express). C'est la chronique de
Patrick Chavardès, "Dire non", parue dans
l'ultime numéro de la revue "Gros Textes"
qui m'a inspiré les réflexions qui
précèdent. Je serais toutefois plus
prudent que le signataire de ce vif brûlot,
impatient d'en découdre avec les
éditeurs médiocres et les "faux
poètes" qui "faute d'une exigence forte"
commettent un "abus de confiance" et mettent "cette
poésie du côté du monde tel
qu'il est". Il me semble précisément
que la première tache du poète
consiste à voir le monde tel qu'il est,
à le rendre "lisible". Acte
véritablement politique qui
précède, par désir de
clarté, le vague espoir de le rendre
"habitable", comme le souhaite Jean-Pierre
Siméon dans les colonnes du... bulletin de
la M.G.E.N ! ("L'ardeur poétique, une
nécessité", n°231, mai 2004). Au
fond, ce que je disais des écrivains
italiens dans le précédent
"Décharge", leur propension parfois curieuse
pour le "campanilisme" (excellente manière
au demeurant de se "repérer" sans pour
autant céder aux charmes de l'immanence)
concerne, sous une forme très
élaborée, des poètes comme
Cottet-Emard ou Jean-Louis Roux : lire le monde
est, pour eux, patiente entreprise, question
d'honnêteté, nécessité
vitale. Lire Cottet-Emard ou Jean-Louis Roux (et
beaucoup d'autres mais je suis parti de ces deux
là que je tiens en haute estime) est, pour
moi, selon le voeu de Lorand Gaspar, une tentative
d' "accéder à une intelligence
claire" qui fait que je suis "capable d'aimer la
vie, de l'accepter telle qu'elle est et conscient
qu'elle peut être
améliorée". Car, comme m'y engage sans
cesse Jean Tardieu (sur lequel Cottet-Emard
écrivit jadis un pénétrant
essai) "Le monde est à
reconnaître sur les chemins
effacés".
Ed
Editinter
B.P. 15, 6 Square Frédéric Chopin,
91450 Soisy-Sur-Seine,2002 Auteur de
poèmes, d'essais, d'un roman, de nouvelles,
collaborateur de revues et membre de comités
de lecture, Christian Cottet-Emard nous livre
aujourd'hui des aventures contemporaines. Une
vision à la fois onirique et
désabusée du monde "Imite le moins
possible les hommes dans leur énigmatique
maladie de faire des noeuds", conseillait
René Char. Entre les volutes de ses cigares
préférés, il tente de se
conforter à cette sagesse. Ces quelques lignes qui
terminent le court texte de présentation de
l'auteur de "Le Grand Variable" donnent sans doute
une idée précise de
l'atmosphère dans laquelle baignent ces
"aventures contemporaines", dernier ouvrage que
publie Christian Cottet-Emard chez Editinter.
Elles rendent compte assez bien, également,
de la personnalité de l'auteur, à
l'humour fin et distingué, souvent empreint
de pessimisme. "Ce matin ne peut rien attendre de
moi. Le monde entier continue de tourner et, d'un
oeil, je le regarde faire. Je ne suis pour rien
dans tout ce qui peut arriver, tour à tour
instrument et jouet de la société
anonyme à irresponsabilité
illimitée. Je dois me rendre une fois de
plus à l'évidence : les absents ont
toujours raison". Vision pessimiste du
monde Avec un art
consommé de la formule et de la
dérision - y compris l'autodérision -
Christian Cottet-Emard nous montre, à
travers la lunette grossissante de l'enseigne de
vaisseau Preben Mhorn, un monde qui n'est pas
éloigné de nous, d'autant plus que
c'est bien le nôtre..."Quel charme les
hirondelles peuvent-elles bien trouver à ce
quartier ?Pourquoi, après
l'éprouvante traversée de la
Méditerranée, prennent-elles la peine
de remonter jusqu'à ces artères
étroites, assourdissantes et noircies,
culottées comme de vieilles pipes par les
gaz d'échappement ? Pourquoi ne
s'arrêtent-elles pas plus bas à
Aix-en-Provence par exemple, comme d'autres plus
avisées entre deux bavardages de fontaines
?". Tout au long de ce qu'il nomme
lui-même "Aventures contemporaines", C.
Cottet-Emard nous livre une vision plutôt
pessimiste du monde, avec un sens de l'absurde que
n'aurait pas désavoué un Michaux.
Ainsi, lorsqu'il est en attente d'une personne pour
une interview : "L'homme que j'attendais arriva
exactement à l'heure prévue, ce qui
me disposa assez mal à son égard". La
suite, il est vrai, justifie cette remarque. Le
Grand Variable est un livre que l'on a envie de
reprendre une fois que l'on a lu la dernière
page. A travers sa lunette astronomique, l'enseigne
de vaisseau Mhorn voit très clairement les
vanité de ce monde... Parus en feuilleton dans
la revue jurassienne Salmigondis, les cent textes
qui composent Le grand variable naviguent entre
poésie et narration, entre intimisme et
universalité, entre méditation et
irritation, entre passé, présent et
avenir (le sous-titre "aventures contemporaines"
annonce cette opération qui consiste
à formuler et peut-être à vivre
maintenant ce qui est à venir). L'enseigne de vaisseau
Mhorn, drôlement prénommé
Preben, entretient avec le narrateur des rapports
ambigus de superposition, et tous deux observent et
nous font observer le monde à leur
manière. Il y a de grands papillons de mer
et des cerfs-volants sauvages ; il y a
l'océan et la forêt, les dunes et les
collines, les pins et les épicéas ;
il y a de courts et longs voyages, des routes et
des chemins, des autos et des trains ; il y a les
gens avec leurs travers et leur chaleur,
l'amitié et l'amour, la nature et ses
vérités, les jardins perdus dans les
villes, la musique de la pluie nocturne et les
rayons du soleil. Il y a les mystères de la
vie qui font les instants de bonheur. "Ce que je relève
dans mes notes, ce que je retiens de ma vie ne
survient qu'entre la mer et la forêt. Hors de
ce territoire intermédiaire, tout n'est
qu'anecdote. [...] Ici et maintenant, ce
n'est ni le commencement ni la fin du monde,
simplement autre chose. Cela me remplit de joie
mais j'ignore pourquoi." À suivre les
déambulations variables de Christian
Cottet-Emard comme on suit des variations
musicales, on effleure justement sans bien savoir
pourquoi ni comment ces instants de joie
éphémère et
profonde. Ces "vignettes", ensemble,
dessinent le portrait d'un homme singulier,
difficile à approcher, un "sauvage" en
quelque sorte, membre indiscutable de ma propre
famille. Le travail précis sur la langue, la
musique tiennent et emportent le lecteur dans un
univers étrange mais qui devient peu
à peu familier. Nulle tentative de
brouiller les pistes au-travers de nuées
verbeuses ; la poésie est là,
partageable, touchable, comme je l'aime. Simple
aussi et belle. Solaire et solitaire. Le trop-amour
de la vie nourrit la souffrance sans jamais se
bercer d'illusions. C'est dire si ton livre m'a
touché, remué et qu'il va continuer
en moi son chant profond. "La vraie
présence au monde, c'est écouter la
pluie la nuit" Christian Cottet-Emard
nous entraîne au cur de
séquences multiples: aventures
décousues, balayées plutôt par
un double jeu. Va-et-vient entre deux regards
braqués sur le monde, celui de l'enseigne de
vaisseau Mhorn pourvue de sa lunette astronomique
et celui du narrateur. Oscillation des regards,
subtil jeu de doubles, grâce auquel sont
captées les sinuosités du
déroulement de nos vies: ce "grand variable"
que constitue le tas grouillant et
énigmatique des gens d'ici-bas, l'ensemble
des faits et gestes qui balisent le quotidien, en
somme l'agitation perpétuelle qui
caractérise notre humanité. Pris dans
son mouvement incessant, le monde s'emballe, adopte
une cadence vertigineuse, jusqu'à donner la
nausée. Tourbillon qui révèle
ainsi tout ce qu'il peut avoir
d'écurant pour celui qui garde son
il de spectateur. Au fil des cent textes qui
composent l'ouvrage, l'auteur exprime combien
l'usage du monde est loin d'aller toujours de soi.
Difficile immersion dans la société
et ses emprisonnements quasi obligatoires:
rôles assignés et tâches
empoisonnantes qui constituent le lot du commun des
mortels. Monde de faux-semblants :
fausses candidatures pour fausses offres d'emplois,
faux mocassins qui ne résistent pas à
la pluie, faux parapluie et faux jouets, qui n'en
génèrent pas moins de vrais
problèmes. Monde où l'on remplace les
vieilles librairies par des centres commerciaux et
où les nuages sont rectilignes. Morne
constat scandé par les pas
trébuchants du narrateur et sa Mhorn longue
vue. Tentatives
d'adhésion. S'efforcer de prendre le pli, de
se maintenir à "la surface de la vie", de
lutter contre une propension profonde à la
rêverie et à
l'égarement
Tentations
d'évasion. Distiller la poésie, "ce
seuil de ciel qui m'attend chaque jour à la
sortie", ce seuil capable d'extraire une parcelle
de félicité des heures
accablantes. Aventures desquelles
émergent les défaillances du
goût de vivre menaçant
régulièrement de maquiller la peau de
plaques d'eczéma, mais aussi la quête
d'une journée plus vivante, d'une
journée de plénitude dans laquelle
dominerait le sentiment d'une existence
cohérente et unifiée. Ainsi, par delà
l'évidente vision désabusée
qui émane de cet écrit, trouve-t-on
également, rendus par un filtre onirique, un
papillon de mer géant, des arbres fiers, des
cerfs-volants indécis, ou encore tout
simplement le ciel et la mer
Précieux
éléments capables de faire retrouver
peut-être les temps morts, "ces fissures
où se dépose et s'épanouit la
graine sauvage de l'instant, l'herbe folle au bord
des grandes cultures mélancoliques de
l'emploi du temps". D'aventures en aventures sur le
tragique balancier de nos existences, la joie n'a
pas tout à fait dit son dernier
mot. 2 avenue Gaulard 25000
Besançon, À propos d'une
fête : j'étais moi-même de
ces Passagers clandestins sur le paquebot
"Insolence" et j'appréciais de pouvoir
ainsi, du seul fait de ma présence, apporter
ma contribution, aussi modeste fût-elle,
à la perplexité et au doute de la
caste dominante. Côté "Insolence",
Christian Cottet-Emard pratique plutôt la
pirouette discrète contre le mur du fond ou
la sourde oreille au moment de l'appel
général. Très rapidement on
dirait que le monde l'énerve, mais nous nous
rendons vite compte de notre erreur. Non, il adore
ça le monde, les forêts, les bancs, la
pluie, les rivières, même les gens, et
surtout les cigares, les livres, l'autorail. C'est
juste de participer à tout cela qui
l'énerve, tant tout cela justement, s'attife
parfois devant lui un peu comme une menace. Que
cette vie me paraîtrait belle si, au lieu de
la vivre, je la regardais vivre écrivait
jules Renard. Ce n'est donc pas dramatique et un
pas en arrière fait souvent office de
compromis acceptable. S'asseoir aussi peut suffire,
surtout pendant les heures de pointe. Le
détaché draine au bout de sa phrase
un aphorisme mais peut très bien
décider tout seul de se taire, las de
lui-même ou soudainement satisfait de son
immobilité triomphante. La posture n'est pas
nouvelle, le héros ne sait rien faire que
rêvasser (et écrire), se perd
facilement, n'a pas d'argent, n'en veut pas au
monde mais très franchement, ne lui trouve
pas un charme fou. Alors il l'arrange. Les phrases
même taquines, piquantes, on a beau s'en
défier, ça arrange toujours le monde.
Et dans le monde il y aussi Samia. Et les arbres,
les livres, l'autorail... De l'humour et de
l'élégance habillent ce livre. On
choisit arbitrairement d'illustrer cette
dernière : "Dehors, la nuit et la
neige transforment le monde. On peut
écarquiller les yeux, le regard bute contre
le rideau de flocons. On peut crier, la voix
s'enfonce dans les capitons de
poudreuse. À mesure que je
marche dans le soir au milieu de la rue sans
voitures, je me retourne de temps à autres
sur mes pas. Ceux des derniers
passants sont déjà recouverts et les
miens vont disparaître aussi. J'en
éprouve un vif soulagement." Je soupçonne
Cottet-Emard de vouer un culte
immodéré à Stendhal. Telle est
ma première impression à la lecture
du " Grand Variable" dont pourtant ni le contenu,
ni la structure, ni même le ton n'ont un
quelconque rapport avec l'auteur des "Souvenirs
d'égotisme". En cent vignettes au
dessin net et précis, le poète dresse
la cartographie de sa haute solitude et trace les
frontières qui le retiennent prisonnier du
monde. Nulle fausse piste, nul détour
puisque les rêves d'évasion se brisent
tous sur la fracassante réalité et
que seule la lucidité permet d'en arrondir
les angles. Le lecteur se souvient d'ailleurs que
Cottet-Emard, sagement méfiant avait pris la
précaution d'intituler l'un de ses
précédents recueils, "Demi-songes".
Observer, humer, goûter, prendre le temps
deviennent alors des exercices salutaires accomplis
en retrait mais pas "en dehors de"... malgré
un penchant prononcé pour les figures
convenues du renoncement social. Lesté d'un
pessimisme bien tempéré, le regard
braqué sur la "galaxie humaine",
l'écrivain tente d'en percer
l'énigme. Orgueilleux projet que
l'écriture -et elle seule- ne fait
qu'ébaucher. Minuscule mais indispensable
avancée effectuée avec le constant
souci "d'être sec". N'est-ce pas encore
Stendhal qui écrivait dans son "Journal" en
décembre 1801 (il n'avait pas vingt ans!) :
"Presque tous les malheurs de la vie viennent
des fausses idées que nous avons sur ce qui
nous arrive. Connaître à fond les
hommes, juger sainement des
événements est donc un grand pas vers
le bonheur." Sur ce chemin là, et je
puis en témoigner, Cottet-Emard s'est mis en
route de bonne heure. Voici un peu plus de trois
ans (déjà!), un personnage
étrange et son univers onirique plantaient
leur tente dans les pages de Salmigondis. Durant
trois numéros, l'enseigne de vaisseau Preben
Mhorn et la cohorte des 100 petits chapitres qui
composent Le grand variable de Christian
Cottet-Emard investissaient votre revue
préférée. Ni roman, ni recueil
de nouvelles, encore moins de poésie, cette
uvre insaisissable n'avait alors
séduit aucun éditeur. Sa composition
le permettant (et sa qualité l'exigeant), Le
grand variable fut pubIié dans les n°9,
10 et 11 de Salmigondis. Certains lecteurs furent
décontenancés par la bête qui,
de nature multiforme, ne se laisse pas saisir
facilement. Chacun des 100 fragments fait sens,
constitue un moment, une humeur ou une
péripétie de ce voyage immobile. Au
fil de la lecture, des choses entrent en
résonance, doucement, dans le fond du
tableau. Des créatures irréelles et
semble-t-il issues d'un imaginaire enfantin
traversent le texte, tel ce papillon gigantesque
échoué sur une rive incertaine. Des
humains s'agitent, souvent cocasses, tel ce
contremaître dont la caractéristique
essentielle est de sentir la patate. Les lieux
d'une ville imaginée (rêvée ?)
déploient leurs appellations magiques : le
"bazar des hirondelles", nom mémorable s'il
ne fallait en retenir qu'un seul. Le jeu,
omniprésent à travers l'absurde et le
cocasse, le dispute à la poésie.
Comme Preben Mhorn, le narrateur cherche sa voie,
ou sa muse, à travers cet espace
jonché de bouts de rêve, aux reflets
tour à tour familiers et étrangers.
Un univers singulier se déploie ici, dont le
caractère méritait bien d'être
contenu, enfin, dans un livre digne de ce
nom. Editions
Orage-Lagune-Express, sept 20001, poème
en édition bilingue, traduction portugaise
de Suzana Marto, avec un collage de
Bernard Deson Christian Cottet-Emard, après
L'inventaire des fétiches, Le
pétrin de la foudre, Le passant du grand
large, L'alerte joyeuse, Alma s'en va, produits
par la maison d'édition qu'il dirige, et
quelques plaquettes confidentielles, publie en
édition bilingue La jeune fille/A
rapariga, poème. L'ouverture,
après le collage en apesanteur de Bernard
Deson, esquisse l'entrée dans le merveilleux
contre l'obstacle d'un réel parfois aussi
pesant que menaçant : "Quand les
tâcherons hostiles/ travaillent mon ombre/
à la feuille de/ plomb, / j'appelle,/
derrière le drap du jour,/ la jeune fille
qui garde le monde." Tous les repères
s'égarent, le réel entre en
fantasmagorie : "L'instant lui est une saison,/
le raisin un passant et le vin un farceur,
l'anémone une étoile et le ciel un
matin". Mais il ne s'agit pas
d'édulcorer la vision. Fantasmer n'est pas
sans risque : "Attention,/ ami distrait de la
dernière averse,/ l'arbre où s'endort
la jeune fille/ est la demeure de la foudre."
Une représentation du monde
élémentaire surgit au détour
d'une page tournée sur elle-même :
"La source ne ment pas,/ la forêt se
rappelle, le fleuve tient parole/ et la mer a le
temps./ C'est pour la jeune fille". Bien
sûr, cette omniprésence de la jeune
fille annonce sa disparition : "l'absence/ de la
jeune fille désole/ le paysage." On se
souvient du mot de Balzac : "Quel opéra
qu'une cervelle d'homme !" Christian Cottet-Emard
emboîte le pas à tous les
rêveurs de mots animés dans la
solitude du cabinet des écritures, pour
repeupler l'espace soudain vidé de tout sens
: "Je laisse mon orchestre intérieur
organiser librement cette musique lorsque, dans une
éblouissante clarté, mon ombre
disparaît dans un envol de jeunes
filles..." Fin du mirage, au cri de "Balthasar,
Balthasar !" La voix s'affirme et touche juste à
l'écart de la tentation des artifices
"dans la forêt des sens." C.Cottet-Emard
s'est entouré de
sensibilités
féminines pour
traduire sa "Jeune
fille". De gauche
à droite :
Marie-France, Suzana,
Marie éditions
Orage-Lagune-Express, 1998 Nouvelle "Un seul pas de
côté suffit à mon chemin et
me fit découvrir cette
précieuse plaquette, viatique au
désenchantement quotidien entonné en
choeur par sa dynamique jubilatoire qui permet de
casser la course, d'habiter où l'on erre,
joyeux, se ruer où l'on tâtonne. Aux
bavards sédatifs, à la
créature qui se crut créateur, au
vide qui prend toute la place, y compris celle de
l'air. Cottet-Emard rappelle la
réalité sensible de l'écorce
et de l'étoffe, de la forêt et de
l'écume, échos tant
attendus... à l'étendue de mes
silences."
essai, éditions
La Bartavelle, 1997 "Un enfant qui serait
aussi un vieillard, un vieillard qui serait aussi
un enfant", c'est ce que répond Jean Tardieu
à la question : qui êtes-vous ? Et si
on lui avait demandé : que sont les mots ?
Il aurait sûrement répondu : un signe
qui est aussi une chose, une chose qui est aussi un
signe. Ce poète dramaturge, a tenté
de réintégrer le mot dans sa
matérialité en jouant à en
décontextualiser les usages. Ses
pièces, Un mot pour un autre et Un geste
pour un autre, en sont des exemples significatifs.
Tardieu, c'est l'obsession du visuel, de la
sonorité et de la langue. Après sa mort, un
journaliste, Christian Cottet-Emard, a entrepris de
rédiger en son hommage "un livre
d'amitié". A l'occasion de sa parution, Jean
Tardieu, un passant, un passeur, les
éditions Orage-Lagune-Express dédient
quelques pages à Jean Tardieu. Elles
regroupent un repère biographique, un
entretien avec l'auteur et une interview où
Christian Cottet-Emard évoque leur
rencontre. En passant, nous apprenons que ce
journaliste habitait à proximité du
poète et qu'adolescent, il
préférait la compagnie de ses mots
plutôt que celle des maths. Le tout est
agrémenté de deux photos
inédites. Le personnage, son humour incisif
et sa pertinence laissent comme une impression de
rencontre absolue. Nous exprimons notre reconnaissance
à Christian Cottet-Emard, qui a eu
la bonne idée de rassembler et de
porter à la Bartavelle des textes
de Jean Tardieu ainsi que des entretiens
parus dans des publications pas toujours
aisément accessibles. Jean Tardieu
et Christian Cottet-Emard sont du
même pays, le Jura de l'Ain : le
premier est né à St-Germain
de Joux et le second à
Montréal, c'est à dire dans
ce triangle qui va de Saint-Claude
à Bellegarde en passant par Nantua.
Christian Cottet-Emard collabore à
plusieurs revues littéraires, il a
aussi publié des recueils de
poésie en Italie et en France,
entre autres l'Inventaire des
fétiches et le passant du
grand large, chez
Orage-Lagune-Express. Cette fois, il a
voulu passer un moment avec un de ses
maîtres, Jean Tardieu. A celui qui n'écoute pas, il
n'est pas donné de se faire
entendre. Justement, si Tardieu a
été entendu, c'est bien
parce qu'il a beaucoup
écouté. Nous qui l'avons
côtoyé et aimé nous
savourions à chaque fois sa
faculté d'écoute, des
êtres et du monde. D'entrée,
Christian Cottet-Emard écrit que si
on saluait Rimbaud le "Voyant", on
pourrait considérer Tardieu comme
l'"Écoutant". Puis il nous conduit
au pays natal, de présence en
absence, de départ en retour, d'une
rive à l'autre du temps, avant de
reprendre les poèmes inédits
offerts par Jean Tardieu au
Croquant, ainsi que le bel
entretien effectué Maison Roger
Vailland, à Meillonas, par
lui-même et Paul Gravillon.
L'ouvrage se termine par l'allocution
prononcée à Bourg-en-Bresse
par Jean Tardieu, lorsque lui fut remis le
Prix Voltaire du Conseil
général de l'Ain,
créé par Le Croquant.
Un livre agréable qui rappelle
de bons et grands moments. Lycéen à Oyonnax,
Christian Cottet-Emard lisait
déjà les poèmes de
Jean Tardieu pendant les cours de math.
C'est en 1988 qu'il rencontre enfin
l'auteur, lorsque celui-ci revient dans sa
maison natale de Saint-Germain-de-Joux.
Tout de suite le courant passe entre les
deux hommes : "C'était une
personne très simple et ouverte,
doublée d'un sacré bon
vivant !" se souvient Christian
Cottet-Emard. Peut-être Jean Tardieu se
rattrapait-il ainsi d'un épisode
fâcheux de sa petite enfance.
Placé en nourrice à
St-Germain, sa mère l'avait
immédiatement retiré
lorsqu'elle avait appris qu'on lui donnait
du Bleu de Gex ; elle avait peur que le
fromage nuise à sa santé
! Mais la Semine n'évoquait pas
seulement la gastronomie pour Jean
Tardieu. C'était avant tout le
"pays des fleuves cachés".
Cette formule a d'ailleurs
influencé toute son uvre. Car
elle désignait son pays natal, mais
aussi sa vision de la poésie. La
Valserine et la Semine sont des
rivières sauvages qui plongent sous
terre, disparaissent, puis refont surface.
De la même manière, le sens
d'un poème échappe parfois
au lecteur pour réapparaître
plus tard, en pleine lumière. Et
Christian Cottet-Emard d'ajouter :
"Quand l'eau circule sous terre,
elle prend le
temps de s'enrichir!" Jean Tardieu, poète et
dramaturge, est né en 1903 à
St-Germain-de-Joux dans l'Ain.
Écrivain majeur de ce
siècle, il est
décédé en 1995. Christian Cottet-Emard, poète
né et vivant dans l'Ain, lui
rend hommage fidèle à
l'affirmation de Jean Tardieu : "Les
poètes ne seraient rien si l'on ne
parlait pas d'eux avec intelligence et
amour". L'ouvrage de Christian Cottet-Emard est
en fait un recueil composé d'un
essai, d'un entretien et d'un discours,
complété de repères
biographiques, de photographies en noir et
blanc et de reproductions de poèmes
de Jean Tardieu. Au travers du court essai
intitulé "Jean Tardieu, un passant,
un passeur", avec en toile de fond une
journée de juillet 1988 où
Jean Tardieu est revenu à
l'improviste dans sa maison natale,
Christian Cottet-Emard, qui
l'accompagnait, évoque l'homme,
l'uvre et ses thèmes, en
développant particulièrement
celui du temps. Bien que Jean Tardieu n'ait pas
vécu longtemps dans sa
région d'origine, Christian
Cottet-Emard souligne "le rayonnement
secret de cette terre dans la
pensée de Jean Tardieu qui s'en est
éloigné sans la quitter
vraiment" et rappelle "la
rivière la Semine, l'un des
ruisseaux enfantins dont le cours, en
surface comme en profondeur, irrigue
l'uvre du poète".
Le recueil s'achève par
l'allocution "Voltaire hors du temps et
près de nous" prononcée
par Jean Tardieu à Bourg-en-Bresse
en 1991 lorsque fut remis le prix
Voltaire, l'hôte de Ferney, figure
avec Baudelaire et Goethe parmi les
quelques "phares" de la littérature
qu'il a admiré.
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