REVUE DE PRESSE

 

 

Le club des pantouflards

éditions Nykta, collection Petite Nuit, juin 2006

mini polar

 

 

Jean-Jacques Marimbert

Un personnage dans le brouillard : Effron Nuvem / Publié le 14/11/06 dans la revue en ligne Encres Vagabondes, rubrique "Noir et polar"

Un personnage dans le brouillard : Effron Nuvem

Certains personnages de roman invitent plus que d'autres à s'arrêter sur les difficultés qu'ont la matière et la forme, depuis toujours, à consommer leurs épousailles. L'un est sans qualités, chez Musil, l'autre métamorphosé, chez Kafka, ou planté sur le seuil du vouloir comme Bartleby de Melville (dont Enrique Vila-Matas nous a offert un si passionnant éclairage littéraire dans Bartleby et Compagnie), ou franchement aboulique chez Bove. L'informe toujours les menace. De ce point de vue, la conscience, en ces figures fictives, semble n'être que pâte molle, sinon à modeler, encore et toujours. Il faut donc, dirait Camus, voir Sisyphe heureux. Heureux parce que le bonheur est dans la liberté offerte de maintenir en forme, par la volonté, la matière qui roule de toute part. Et ici la matière, c'est bien sûr la pensée. Aussi bien que le corps, l'existence, l'avenir, l'histoire, bref, la mise en œuvre de soi par soi, sans cesse exposée à l'absurde.

Toutefois, jamais matière ne va sans forme ; ladite première porte en elle, déjà, un devenir possible. Le minerai, tiré d'une belle colline, se soumet au dessein de l'artisan, et le bois, délogé de l'arbre, donne une flûte. Et l'esprit ? Et le corps ? Et l'homme ? Certains écrivains explorent leur formation, déformation, malformation. De la matière première au "produit" fini ou, au contraire, de l'homme achevé à l'autre qu'il porte en lui, tel Jekyll accouchant de Hyde, quelle malléabilité ! Quelles figures de styles bien différents ! Car, finalement, c'est la littérature qui est en jeu et, par elle, l'affrontement entre ce qui lui échappe et ce qu'elle saisit de manière fugace et relative, moments de vie, coups de feu du destin, propositions de sens, délires.

Le (faux) polar de Christian Cottet-Emard, Le club des pantouflards, entre dans ce registre. La contrainte de la collection est simple : le récit, type "polar", doit se situer dans une ville, ici Vaise. Mais le court roman de Cottet-Emard est ironique dans le sens où, s'il y a bien meurtre et machination, ambiance noire et malaise, et bien d'autres ingrédients du genre, la façon dont il les accommode les détourne vers une tout autre entreprise. Il y va de la poésie, de l'écriture en général, du danger de voir les mots et les êtres broyés par la machine sociale et économique, les puissances souterraines qui tirent les fils des marionnettes que nous sommes. La teinte kafkaïenne est marquée, bureaux de banque, salles de réunion, gardien, convocation, dossiers, huissier, archives, conspiration, notables. Des ampoules de 40 et même 25 watts tiennent lieu de soleil au fond de cette caverne platonicienne à plus d'un titre, la brume est celle des énormes cigares ventrus autant que du brouillard, le silence est blanc, de neige. Et puis il y a des cartes, de crédit, d'identité, de membre d'association sportive, de club, des cartes pour toute réponse à la question "to be or not to be", auxquelles tient la destinée de ceux qui y ont droit, âmes mortes à la Gogol, à qui ce droit peut être retiré du jour au lendemain. Tout dépend de qui a le jeu en main.

Effron Nuvem, "homme des brouillards" selon son créateur, antihéros, est un "chomdu", chômeur de longue durée. Tel est l'informe, socialement. Or, l'occasion lui est donnée de retrouver une sorte de normalité par la rencontre d'un membre du mystérieux Club des Pantouflards, société secrète aux ramifications politiques et économiques vite lisibles. Et, humour oblige, Effron Nuvem (plein d'effroi par son prénom, flottant comme un nuage par son nom portugais), être brumeux (matière première : la vapeur qui épouse toute forme au gré des sautes de vent) dont l'apparition est d'emblée vouée à l'évaporation, se voit confier la tâche de faire fonctionner un broyeur de dossiers, papiers administratifs, lettres, etc., qui viennent des services municipaux et encombrent les bureaux, amoncellement à l'opposé de la bibliothèque infinie de Borges, en somme. Quoi de mieux pour dire la place réservée à celui qui, au fond de l'entonnoir social, doit en faire disparaître les déchets, autant dire parachever sa propre éviction de ce qu'il est convenu d'appeler le tissu social ?

Le destin d'Effron Nuvem, passé au crible des neuf cercles de l'Enfer de Dante et des Aztèques, le fait se tenir entre vie et mort, ni vivant ni mort, alternativement mort-vivant et vivant-déjà-mort dansant sur le fil d'une existence éreintée. Cottet-Emard nous livre ainsi "la chronique gueule de bois de l'après Trente Glorieuses" qui "s'y entend à contaminer le moral de nos belles provinces à grandes lampées de friches industrielles et de régression sociale", dit-il (cf sur son blog, http://cottetemard.hautetfort.com, une note intitulée "Avec le bonjour d'Effron Nuvem"). De ce point de vue, l'énigmatique engin noir à chenilles garé sur la grand-place, sorte de puissance monstrueuse à laquelle fait écho le broyeur à l'autre bout de la chaîne de l'esclavage, tout cet univers technique, mécanique, d'une délirante rationalité qui dilacère corps et âmes, n'est pas sans lien littéraire avec la machine de La Colonie pénitentiaire de Kafka.

La prose de Cottet-Emard, d'une étrangeté poétique, se lit avec un vif plaisir et un intérêt soutenu, jusqu'au bout. Au bout de quoi ? Ceci est une autre histoire… Le papier se broie cul sec, comme le petit noir du matin. Oui, décidément, Effron Nuvem a bien des choses à nous apprendre, sur nous-mêmes, sans sucre.

 

Jean-Louis KUFFER,

L'oppression en pantoufles / Publié le 27 juillet 2006 dans le quotidien suisse 24 HEURES

LIVRE

Le double talent de poète et de conteur de Christian Cottet-Emard s'exerce ici dans le genre du polar politico-fantastique, dont le climat rappelle à la fois le réalisme magique italien et certaines fables latino-américaines, notamment d'un Juan Carlos Onetti.

Après le lyrisme diffus du Grand variable , l'auteur se fait ici plus mordant et railleur, dans une narration parfaitement filée où nous voyons le chômeur Effron Nuvem pris au piège d'un mécanisme à relents totalitaires. Sous des dehors pourtant placides, les membres du Club des pantouflards, auprès desquels l'introduit un notable apparemment bien disposé à son égard, évoquent une société secrète aux inquiétants pouvoirs de contamination, que le sans-emploi candide va subir à son corps peu défendant. L'apparition d'un petit blindé noir, au tournant du récit, va cristalliser une menace bientôt omniprésente. A préciser que cet engin fait office de distributeur de cartes de crédit dans un système informatique unifié qui réduit l'existence du porteur à la validité de l'objet.

Sous le signe des Ames mortes de Gogol, que le protagoniste lit en dégustant sardines à l'huile et tartines beurrées, ce petit roman épate à la fois par sa verve caustique et son atmosphère, son délire très contrôlé et son aura lyrique.

 

 

Jean-Jacques NUEL, 25 juin 2006

Dans la collection Petite Nuit, chez Nykta, qui publie des mini-polars de la taille d'une longue nouvelle, vient de paraître Le club des pantouflards de Christian Cottet-Emard. Un petit bijou d'écriture et d'inspiration, où l'on retrouve la fantaisie, le sens du fantastique et les talents de conteur de l'auteur du Grand variable.

La vie du héros, qui répond au nom improbable d'Effron Nuvem, est une vie grise de chômeur solitaire au cœur du quartier lyonnais de Vaise, entre la rue Gorge de Loup et le pont Masaryk, celle d'un contemplatif sans autre perspective que la lecture de livres de poche (dont Les âmes mortes, de Nikolaï Gogol) et la consommation de sardines à l'huile et de cafés au lait avec tartines. « Ses grands rêves d'adolescence le visitèrent. Ils étaient quant à eux de beaux papillons de jour mais ils avaient fait le chemin à l'envers, retournant vite aux chrysalides puis aux larves qui le rongeaient de l'intérieur. » Bref, une vie qui s'en va vers le pire.

Effron Nuvem ne cherche pas à comprendre le monde absurde qui l'entoure ni l'étrange sollicitude d'un marchand de chaussures de son quartier. Celui-ci l'invite au repas trimestriel du « club des pantouflards » où les notables locaux richement habillés dînent et s'empiffrent de mets fins, pantoufles aux pieds. « Que pouvait valoir l'adhésion d'un chômeur, une de ces « âmes mortes » à peine bonnes à émigrer d'un fichier à un autre au gré des fluctuations d'une comptabilité d'actifs et de passifs que se jetaient sans cesse à la figure lors de joutes télévisées les dignes héritiers de l'escroc Tchitchikov ? » C'est qu'en effet, la politique n'est pas loin, ce club ressemble à une phalange secrète et présente une liste aux municipales, sans succès. Bientôt Effron Nuvem voit la ville basculer dans une organisation totalitaire dont il devient, grâce à ses relations pantouflardes, l'un des employés. Un engin monté sur chenilles entièrement revêtu d'un blindage noir trône au milieu de la place, assurant la surveillance, et la délivrance d'argent et de formalités administratives par une seule et même carte de crédit, grâce à l'unification des fichiers informatiques. Mais Effron ne s'en formalise pas, content de sa tâche répétitive au sous-sol de la mairie. Il faut dire qu'autour de lui, les opposants se font rares et peu combatifs, les belles âmes éprises de liberté attendant les beaux jours pour défiler dans la rue. « Maintenant que les gens retrouvaient leur climat habituel et que la douceur des températures incitait à sortir se promener, l'élite citoyenne de la population se sentait incommodée par la présence silencieuse mais insistante du blindé. »

Cette fantaisie si pleine d'humour et de portraits truculents (l'éléphantesque Graziella, le petit gros à moustache) est inquiétante comme un roman de Kafka. A l'ouverture du roman, le nom de Nuvem disparaît d'un fichier d'ordinateur ; à la fin, il est à nouveau supprimé : « crédit épuisé carte non valide ». On le voit victime impuissante et quasi consentante d'une machination obscure, broyé dans une machine plus puissante que le broyeur qu'il active dans son travail, réduit à un pion : « Les pantoufles d'Effron Nuvem arpentaient de vastes carrés de bitume qui passaient du noir au blanc, réduisant sa silhouette à celle d'un pion sur cet échiquier dessiné par la lune. » Le héros descend les neuf cercles de l'enfer, et lorsqu'il s'élève, à la fin du livre, sur une autoroute entre ciel et terre, c'est pour y rencontrer son cruel destin.

 

 

Jean-Louis KUFFER, 23 juin 2006

 Petite musique du soir

En lisant Le club des pantouflards de Christian Cotttet-Emard

Je me demandais si j'aurais le temps, avant le match, de lire ce petit livre reçu ce matin, mais à peine l'ai-je commencé que la question valdinguait: le bouquin paru à l'enseigne de la collection Petite Nuit m'a bel et bien scotché. Ainsi sont les véritables écrivains, qui vous tiennent par le bout de la phrase et ne vous lâchent plus que vous ne les ayez lus jusqu'au bout.

C'est au charme que Christian Cottet-Emard nous attrape : je l'avais ressenti une première fois dans un livre sentant bon la littérature, le réalisme magique des Italiens ou des Belges, quelque chose de peu français en tout cas, sauf le délié de la phrase et cette musique précise mais un peu voilée de nostalgie. Le grand variable était à vrai dire une espèce de roman-poème, entre le rêve et l'irréalité, et déjà le lyrisme mélancolique et la fantaisie inventive de l'auteur m'avaient séduit tout en douceur.

Or on retrouve, avec sa neige lyonnaise, cette atmosphère dans Le club des pantouflards, d'une ligne pourtant plus claire et d'un humour plus enjoué à l'anglaise (on pense évidemment à Jerome K. Jerome et au Chesterton du Club des métiers bizarres), où tout semble s'arranger mais pour la perte du chômeur Effron Nuvem qu'a gravement compromis un notable en l'introduisant au club des pantouflards alors que, jusque-là, il se contentait de lire Gogol en savourant ses sardines portugaise Roses de France.

On n'est pas loin de Vialatte non plus mais avec un ton qui n'est que de Cottet-Emard, autant que ses phrases et ses détails, ses malices et sa tendre attention aux choses et aux gens, aux saveurs et aux bonheurs que ménagent l'apéro Suze-cassis ou le cigare de fin de matinée.

Tout à l'heure il y aura le match à la télé. J'espère sincèrement que la France se fera brosser par les Togolais. Je le dis en clignant de l'œil à l'ami Bona Mangangu, dont je parlerai demain du livre remarquable qu'il a publié de son côté, évoquant le pays de son enfance avec un lyrisme de vrai poète et une virulence d'amant déçu, dans une langue flamboyante et sans s'aveugler sur les douleurs de son cher Congo.

D'un absurde l'autre, nous revoici, un quart d'heure avant le délire national et multi, chez Gogol « à Vaise et ailleurs », dans ce drôle de monde où se faire avaler sa carte de crédit par une machine suffit à vous priver d'identité. Nous autres, nous savons pourtant qui nous sommes, avec ou sans carte de crédit, nous les empantouflés de la vie…

 

 

Roland FUENTÈS, 21 juin 2006

Vaise*. Notre époque, ou à peu près. Effron Nuvem est chômeur en fin de droits, recalé par une logique informatique au fin fond d'un casier d'où il n'a guère de chance de ressortir. Il vit de peu, contemple beaucoup le vent dans les arbres, et lit "Les Ames mortes". Le clin d'œil au roman de Gogol n'est pas anodin : l'escroc Tchitchikov manipulait des listes de paysans morts pour obtenir les subventions de l'état tout comme d'autres, de nos jours, manipulent les chiffres du chômage selon le besoin de leurs campagnes politiques.

Les choses prendront un tour nouveau lorsque Effron Nuvem croisera le chemin d'un mystérieux petit gros, vendeur de chaussures et dirigeant du non moins mystérieux Club des Pantouflards, sorte de secte politique fleurant l'extrême droite, à l'affût de la moindre occasion pour prendre le pouvoir, qui se réunit en pantoufles autour de mets somptueux préparés par une matrone aussi ronde qu'angoissante.

L'absurde et le cocasse se marient à l'effrayant pour donner un cocktail savoureux et grinçant du plus pur style Cottet-Emard. On pourrait regretter, à certains endroits, un léger manque de clarté quant à l'identité, ou à l'activité de certains personnages. Mais c'est vraiment pour pinailler car comme je l'ai déjà dit à certains d'entre vous, Christian Cottet-Emard est pour moi l'un des meilleurs auteurs contemporains, et je ne puis, ma foi, que féliciter les éditions Nykta de s'en être elles aussi rendu compte !

 

* quartier de Lyon

 
 

Trois figures du Malin

éditions Orage-Lagune-Express, 2004

Nouvelles

Rubrique "Découvrez les brèves littéraires...",SITARMAG, J.P. Longre (mars 2004)

Poète, essayiste, romancier, Christian Cottet-Emard coule aisément son écriture dans le récit bref et mystérieux. Ces incarnations du diable (et aussi de sa malignité), sous la forme de trois nouvelles, illustrent trois étapes de l'existence : le changement d'identité pour "L'auteur", le "démon du retour" pour un invétéré fumeur de cigares, la mort et la destruction pour "Le pire ennemi"

Un beau fantastique, qui dans son opacité jette une lumière noire et envoûtante sur la vie humaine.

 

Aperçus de la vie culturelle et artistique en Franche-Comté n°44 (mai 2004) et Le catalogue n°2 (CRL de Franche-comté)

Trois figures du Malin est le dernier recueil publié par Christian Cottet-Emard aux éditions qu'il dirige lui-même, Le grand Variable, (Editions Editinter) montrait très bien son talent à fouiller le quotidien dans sa matérialité ordinaire, la chétive vie à hauteur de comptoir, celui de la cinquième dimension (certains diraient) ou tout au moins de l'extraordinaire. Christian Cottet-Emard vit aux confins du Jura et de l'Ain. A noter aux mêmes éditions la parution de poèmes, sous le titre Le monde lisible.

 

LA LETTRE DE SORTIE de Secours n°15 (Été 2004), Jean-Louis Jacquier-Roux

La nouvelle va à Cottet-Emard comme un gant. Précision, vivacité, élégance donnent à son écriture une fluidité naturelle qui est pourtant le fruit d'un long et secret travail. Le négligé, tellement mode en ce moment, n'est pas de mise ici.

Dans cette suite de trois courts récits, l'"auteur" semble parcourir les coulisses d'un vaste théâtre d'ombres à la poursuite de son double. Créateur d'un univers singulier où les êtres, les paysages et les objets se parent d'une inquiètante beauté, Cottet-Emard capte son lecteur et l'entraîne aussitôt au coeur de ce labyrinthe touffu, véritable "enfer d'incertitudes sans fin" duquel, bien sûr, il est difficile de sortir même par la force des mots. Un superbe et ténébreux concerto.

 

 

Le monde lisible

éditions Orage-Lagune-Express, 2004

Poème en six promenades

 

DÉCHARGE N°123 (20 rue du Pâtis 89130 TOUCY), Jean-Louis Jacquier-Roux

 

Cheval de course

"Mais toujours la fenêtre qui rend à l'écolier le monde lisible."

J'aime beaucoup ce vers de Christian Cottet-Emard extrait de l'un des six poèmes qui constituent son dernier et magistral recueil. Cottet-Emard est une sorte de promeneur solitaire, amoureux des chemins buissonniers et des beautés de la nature. C'est difficile la nature en poésie. Difficile et secret : il y a le dehors et le dedans qu'il faut accorder, "réconcilier", disait jadis François de Cornière. Par la rigueur du verbe, le souffle et le rythme musical, l'auteur se rapproche ici d'un Jean-Louis Roux lequel pointe dans ce type d'écriture (lire "La Stupeur des pierres".-Ed. Voix d'encre) :

"l'épreuve d'une langue affrontée

à l'impossible paysage, au paysage

impossible à dire."

Cette lucidité, cette tension permanente vers "l'infini passage" font alors du poète un irrésolu , un indiscipliné quand le discours officiel s'ingénie à brouiller les pistes ou à les confondre en une seule et même voie.

(Christian Cottet-Emard . - Le monde lisible. - Ed. Orage-Lagune Express).

C'est la chronique de Patrick Chavardès, "Dire non", parue dans l'ultime numéro de la revue "Gros Textes" qui m'a inspiré les réflexions qui précèdent. Je serais toutefois plus prudent que le signataire de ce vif brûlot, impatient d'en découdre avec les éditeurs médiocres et les "faux poètes" qui "faute d'une exigence forte" commettent un "abus de confiance" et mettent "cette poésie du côté du monde tel qu'il est". Il me semble précisément que la première tache du poète consiste à voir le monde tel qu'il est, à le rendre "lisible". Acte véritablement politique qui précède, par désir de clarté, le vague espoir de le rendre "habitable", comme le souhaite Jean-Pierre Siméon dans les colonnes du... bulletin de la M.G.E.N ! ("L'ardeur poétique, une nécessité", n°231, mai 2004). Au fond, ce que je disais des écrivains italiens dans le précédent "Décharge", leur propension parfois curieuse pour le "campanilisme" (excellente manière au demeurant de se "repérer" sans pour autant céder aux charmes de l'immanence) concerne, sous une forme très élaborée, des poètes comme Cottet-Emard ou Jean-Louis Roux : lire le monde est, pour eux, patiente entreprise, question d'honnêteté, nécessité vitale. Lire Cottet-Emard ou Jean-Louis Roux (et beaucoup d'autres mais je suis parti de ces deux là que je tiens en haute estime) est, pour moi, selon le voeu de Lorand Gaspar, une tentative d' "accéder à une intelligence claire" qui fait que je suis "capable d'aimer la vie, de l'accepter telle qu'elle est et conscient qu'elle peut être améliorée".

Car, comme m'y engage sans cesse Jean Tardieu (sur lequel Cottet-Emard écrivit jadis un pénétrant essai)

"Le monde est à reconnaître

sur les chemins effacés".

 

 

Le Grand Variable

(Aventures contemporaines)

Ed Editinter B.P. 15, 6 Square Frédéric Chopin, 91450 Soisy-Sur-Seine,2002

 

Le Progrès, 16 avril 2002, par Jean-François Pan

 

Le monde (dérisoire) selon Christian Cottet-Emard

Auteur de poèmes, d'essais, d'un roman, de nouvelles, collaborateur de revues et membre de comités de lecture, Christian Cottet-Emard nous livre aujourd'hui des aventures contemporaines. Une vision à la fois onirique et désabusée du monde

"Imite le moins possible les hommes dans leur énigmatique maladie de faire des noeuds", conseillait René Char. Entre les volutes de ses cigares préférés, il tente de se conforter à cette sagesse.

Ces quelques lignes qui terminent le court texte de présentation de l'auteur de "Le Grand Variable" donnent sans doute une idée précise de l'atmosphère dans laquelle baignent ces "aventures contemporaines", dernier ouvrage que publie Christian Cottet-Emard chez Editinter. Elles rendent compte assez bien, également, de la personnalité de l'auteur, à l'humour fin et distingué, souvent empreint de pessimisme. "Ce matin ne peut rien attendre de moi. Le monde entier continue de tourner et, d'un oeil, je le regarde faire. Je ne suis pour rien dans tout ce qui peut arriver, tour à tour instrument et jouet de la société anonyme à irresponsabilité illimitée. Je dois me rendre une fois de plus à l'évidence : les absents ont toujours raison".

Vision pessimiste du monde

Avec un art consommé de la formule et de la dérision - y compris l'autodérision - Christian Cottet-Emard nous montre, à travers la lunette grossissante de l'enseigne de vaisseau Preben Mhorn, un monde qui n'est pas éloigné de nous, d'autant plus que c'est bien le nôtre..."Quel charme les hirondelles peuvent-elles bien trouver à ce quartier ?Pourquoi, après l'éprouvante traversée de la Méditerranée, prennent-elles la peine de remonter jusqu'à ces artères étroites, assourdissantes et noircies, culottées comme de vieilles pipes par les gaz d'échappement ? Pourquoi ne s'arrêtent-elles pas plus bas à Aix-en-Provence par exemple, comme d'autres plus avisées entre deux bavardages de fontaines ?". Tout au long de ce qu'il nomme lui-même "Aventures contemporaines", C. Cottet-Emard nous livre une vision plutôt pessimiste du monde, avec un sens de l'absurde que n'aurait pas désavoué un Michaux. Ainsi, lorsqu'il est en attente d'une personne pour une interview : "L'homme que j'attendais arriva exactement à l'heure prévue, ce qui me disposa assez mal à son égard". La suite, il est vrai, justifie cette remarque. Le Grand Variable est un livre que l'on a envie de reprendre une fois que l'on a lu la dernière page. A travers sa lunette astronomique, l'enseigne de vaisseau Mhorn voit très clairement les vanité de ce monde...

 

 

Sit art mag, avril 2002, par Jean-Pierre Longre

Parus en feuilleton dans la revue jurassienne Salmigondis, les cent textes qui composent Le grand variable naviguent entre poésie et narration, entre intimisme et universalité, entre méditation et irritation, entre passé, présent et avenir (le sous-titre "aventures contemporaines" annonce cette opération qui consiste à formuler et peut-être à vivre maintenant ce qui est à venir).

L'enseigne de vaisseau Mhorn, drôlement prénommé Preben, entretient avec le narrateur des rapports ambigus de superposition, et tous deux observent et nous font observer le monde à leur manière. Il y a de grands papillons de mer et des cerfs-volants sauvages ; il y a l'océan et la forêt, les dunes et les collines, les pins et les épicéas ; il y a de courts et longs voyages, des routes et des chemins, des autos et des trains ; il y a les gens avec leurs travers et leur chaleur, l'amitié et l'amour, la nature et ses vérités, les jardins perdus dans les villes, la musique de la pluie nocturne et les rayons du soleil. Il y a les mystères de la vie qui font les instants de bonheur.

"Ce que je relève dans mes notes, ce que je retiens de ma vie ne survient qu'entre la mer et la forêt. Hors de ce territoire intermédiaire, tout n'est qu'anecdote. [...] Ici et maintenant, ce n'est ni le commencement ni la fin du monde, simplement autre chose. Cela me remplit de joie mais j'ignore pourquoi." À suivre les déambulations variables de Christian Cottet-Emard comme on suit des variations musicales, on effleure justement sans bien savoir pourquoi ni comment ces instants de joie éphémère et profonde.

 

 

 

Jean-Louis Jacquier-Roux, 17 avril 2002

Ces "vignettes", ensemble, dessinent le portrait d'un homme singulier, difficile à approcher, un "sauvage" en quelque sorte, membre indiscutable de ma propre famille. Le travail précis sur la langue, la musique tiennent et emportent le lecteur dans un univers étrange mais qui devient peu à peu familier.

Nulle tentative de brouiller les pistes au-travers de nuées verbeuses ; la poésie est là, partageable, touchable, comme je l'aime. Simple aussi et belle. Solaire et solitaire. Le trop-amour de la vie nourrit la souffrance sans jamais se bercer d'illusions. C'est dire si ton livre m'a touché, remué et qu'il va continuer en moi son chant profond.

 

PLUMART N°43, par Emmanuelle Bruyas

"La vraie présence au monde,

c'est écouter la pluie la nuit"

 

Christian Cottet-Emard nous entraîne au cœur de séquences multiples: aventures décousues, balayées plutôt par un double jeu. Va-et-vient entre deux regards braqués sur le monde, celui de l'enseigne de vaisseau Mhorn pourvue de sa lunette astronomique et celui du narrateur. Oscillation des regards, subtil jeu de doubles, grâce auquel sont captées les sinuosités du déroulement de nos vies: ce "grand variable" que constitue le tas grouillant et énigmatique des gens d'ici-bas, l'ensemble des faits et gestes qui balisent le quotidien, en somme l'agitation perpétuelle qui caractérise notre humanité. Pris dans son mouvement incessant, le monde s'emballe, adopte une cadence vertigineuse, jusqu'à donner la nausée. Tourbillon qui révèle ainsi tout ce qu'il peut avoir d'écœurant pour celui qui garde son œil de spectateur.

Au fil des cent textes qui composent l'ouvrage, l'auteur exprime combien l'usage du monde est loin d'aller toujours de soi. Difficile immersion dans la société et ses emprisonnements quasi obligatoires: rôles assignés et tâches empoisonnantes qui constituent le lot du commun des mortels.

Monde de faux-semblants : fausses candidatures pour fausses offres d'emplois, faux mocassins qui ne résistent pas à la pluie, faux parapluie et faux jouets, qui n'en génèrent pas moins de vrais problèmes. Monde où l'on remplace les vieilles librairies par des centres commerciaux et où les nuages sont rectilignes. Morne constat scandé par les pas trébuchants du narrateur et sa Mhorn longue vue.

Tentatives d'adhésion. S'efforcer de prendre le pli, de se maintenir à "la surface de la vie", de lutter contre une propension profonde à la rêverie et à l'égarement…

… Tentations d'évasion. Distiller la poésie, "ce seuil de ciel qui m'attend chaque jour à la sortie", ce seuil capable d'extraire une parcelle de félicité des heures accablantes.

Aventures desquelles émergent les défaillances du goût de vivre menaçant régulièrement de maquiller la peau de plaques d'eczéma, mais aussi la quête d'une journée plus vivante, d'une journée de plénitude dans laquelle dominerait le sentiment d'une existence cohérente et unifiée.

Ainsi, par delà l'évidente vision désabusée qui émane de cet écrit, trouve-t-on également, rendus par un filtre onirique, un papillon de mer géant, des arbres fiers, des cerfs-volants indécis, ou encore tout simplement le ciel et la mer… Précieux éléments capables de faire retrouver peut-être les temps morts, "ces fissures où se dépose et s'épanouit la graine sauvage de l'instant, l'herbe folle au bord des grandes cultures mélancoliques de l'emploi du temps". D'aventures en aventures sur le tragique balancier de nos existences, la joie n'a pas tout à fait dit son dernier mot.

 

 

VERRIÈRES, juillet 2002, numéro 8, par Christophe FOURVEL

2 avenue Gaulard 25000 Besançon,

crlfc@wanadoo.fr

 

À propos d'une fête : j'étais moi-même de ces Passagers clandestins sur le paquebot "Insolence" et j'appréciais de pouvoir ainsi, du seul fait de ma présence, apporter ma contribution, aussi modeste fût-elle, à la perplexité et au doute de la caste dominante. Côté "Insolence", Christian Cottet-Emard pratique plutôt la pirouette discrète contre le mur du fond ou la sourde oreille au moment de l'appel général. Très rapidement on dirait que le monde l'énerve, mais nous nous rendons vite compte de notre erreur. Non, il adore ça le monde, les forêts, les bancs, la pluie, les rivières, même les gens, et surtout les cigares, les livres, l'autorail. C'est juste de participer à tout cela qui l'énerve, tant tout cela justement, s'attife parfois devant lui un peu comme une menace. Que cette vie me paraîtrait belle si, au lieu de la vivre, je la regardais vivre écrivait jules Renard. Ce n'est donc pas dramatique et un pas en arrière fait souvent office de compromis acceptable. S'asseoir aussi peut suffire, surtout pendant les heures de pointe. Le détaché draine au bout de sa phrase un aphorisme mais peut très bien décider tout seul de se taire, las de lui-même ou soudainement satisfait de son immobilité triomphante. La posture n'est pas nouvelle, le héros ne sait rien faire que rêvasser (et écrire), se perd facilement, n'a pas d'argent, n'en veut pas au monde mais très franchement, ne lui trouve pas un charme fou. Alors il l'arrange. Les phrases même taquines, piquantes, on a beau s'en défier, ça arrange toujours le monde. Et dans le monde il y aussi Samia. Et les arbres, les livres, l'autorail... De l'humour et de l'élégance habillent ce livre. On choisit arbitrairement d'illustrer cette dernière :

"Dehors, la nuit et la neige transforment le monde. On peut écarquiller les yeux, le regard bute contre le rideau de flocons. On peut crier, la voix s'enfonce dans les capitons de poudreuse.

À mesure que je marche dans le soir au milieu de la rue sans voitures, je me retourne de temps à autres sur mes pas.

Ceux des derniers passants sont déjà recouverts et les miens vont disparaître aussi. J'en éprouve un vif soulagement."

 

 

Jean-Louis Jacquier-Roux, 15 octobre 2002

 

Je soupçonne Cottet-Emard de vouer un culte immodéré à Stendhal. Telle est ma première impression à la lecture du " Grand Variable" dont pourtant ni le contenu, ni la structure, ni même le ton n'ont un quelconque rapport avec l'auteur des "Souvenirs d'égotisme".

En cent vignettes au dessin net et précis, le poète dresse la cartographie de sa haute solitude et trace les frontières qui le retiennent prisonnier du monde. Nulle fausse piste, nul détour puisque les rêves d'évasion se brisent tous sur la fracassante réalité et que seule la lucidité permet d'en arrondir les angles. Le lecteur se souvient d'ailleurs que Cottet-Emard, sagement méfiant avait pris la précaution d'intituler l'un de ses précédents recueils, "Demi-songes". Observer, humer, goûter, prendre le temps deviennent alors des exercices salutaires accomplis en retrait mais pas "en dehors de"... malgré un penchant prononcé pour les figures convenues du renoncement social.

Lesté d'un pessimisme bien tempéré, le regard braqué sur la "galaxie humaine", l'écrivain tente d'en percer l'énigme. Orgueilleux projet que l'écriture -et elle seule- ne fait qu'ébaucher. Minuscule mais indispensable avancée effectuée avec le constant souci "d'être sec".

N'est-ce pas encore Stendhal qui écrivait dans son "Journal" en décembre 1801 (il n'avait pas vingt ans!) : "Presque tous les malheurs de la vie viennent des fausses idées que nous avons sur ce qui nous arrive. Connaître à fond les hommes, juger sainement des événements est donc un grand pas vers le bonheur." Sur ce chemin là, et je puis en témoigner, Cottet-Emard s'est mis en route de bonne heure.

 

Roland Fuentès (Salmigondis n° 19, 2 place de l'Abbaye, 39200 St-Claude, www.salmigondis.com)

récit (s)

 

Voici un peu plus de trois ans (déjà!), un personnage étrange et son univers onirique plantaient leur tente dans les pages de Salmigondis. Durant trois numéros, l'enseigne de vaisseau Preben Mhorn et la cohorte des 100 petits chapitres qui composent Le grand variable de Christian Cottet-Emard investissaient votre revue préférée. Ni roman, ni recueil de nouvelles, encore moins de poésie, cette œuvre insaisissable n'avait alors séduit aucun éditeur. Sa composition le permettant (et sa qualité l'exigeant), Le grand variable fut pubIié dans les n°9, 10 et 11 de Salmigondis. Certains lecteurs furent décontenancés par la bête qui, de nature multiforme, ne se laisse pas saisir facilement. Chacun des 100 fragments fait sens, constitue un moment, une humeur ou une péripétie de ce voyage immobile. Au fil de la lecture, des choses entrent en résonance, doucement, dans le fond du tableau. Des créatures irréelles et semble-t-il issues d'un imaginaire enfantin traversent le texte, tel ce papillon gigantesque échoué sur une rive incertaine. Des humains s'agitent, souvent cocasses, tel ce contremaître dont la caractéristique essentielle est de sentir la patate. Les lieux d'une ville imaginée (rêvée ?) déploient leurs appellations magiques : le "bazar des hirondelles", nom mémorable s'il ne fallait en retenir qu'un seul. Le jeu, omniprésent à travers l'absurde et le cocasse, le dispute à la poésie. Comme Preben Mhorn, le narrateur cherche sa voie, ou sa muse, à travers cet espace jonché de bouts de rêve, aux reflets tour à tour familiers et étrangers. Un univers singulier se déploie ici, dont le caractère méritait bien d'être contenu, enfin, dans un livre digne de ce nom.

 

La jeune fille

A rapariga

Editions Orage-Lagune-Express, sept 20001, poème en édition bilingue, traduction portugaise de Suzana Marto, avec un collage de Bernard Deson

Une note de Ménaché dans POÉSIE-RENCONTRES n°49-50, responsable : Marc Porcu, 61 avenue Sidoine Apollinaire 69009 Lyon

Christian Cottet-Emard, après L'inventaire des fétiches, Le pétrin de la foudre, Le passant du grand large, L'alerte joyeuse, Alma s'en va, produits par la maison d'édition qu'il dirige, et quelques plaquettes confidentielles, publie en édition bilingue La jeune fille/A rapariga, poème. L'ouverture, après le collage en apesanteur de Bernard Deson, esquisse l'entrée dans le merveilleux contre l'obstacle d'un réel parfois aussi pesant que menaçant : "Quand les tâcherons hostiles/ travaillent mon ombre/ à la feuille de/ plomb, / j'appelle,/ derrière le drap du jour,/ la jeune fille qui garde le monde." Tous les repères s'égarent, le réel entre en fantasmagorie : "L'instant lui est une saison,/ le raisin un passant et le vin un farceur, l'anémone une étoile et le ciel un matin". Mais il ne s'agit pas d'édulcorer la vision. Fantasmer n'est pas sans risque : "Attention,/ ami distrait de la dernière averse,/ l'arbre où s'endort la jeune fille/ est la demeure de la foudre." Une représentation du monde élémentaire surgit au détour d'une page tournée sur elle-même : "La source ne ment pas,/ la forêt se rappelle, le fleuve tient parole/ et la mer a le temps./ C'est pour la jeune fille". Bien sûr, cette omniprésence de la jeune fille annonce sa disparition : "l'absence/ de la jeune fille désole/ le paysage." On se souvient du mot de Balzac : "Quel opéra qu'une cervelle d'homme !" Christian Cottet-Emard emboîte le pas à tous les rêveurs de mots animés dans la solitude du cabinet des écritures, pour repeupler l'espace soudain vidé de tout sens : "Je laisse mon orchestre intérieur organiser librement cette musique lorsque, dans une éblouissante clarté, mon ombre disparaît dans un envol de jeunes filles..." Fin du mirage, au cri de "Balthasar, Balthasar !"

La voix s'affirme et touche juste à l'écart de la tentation des artifices "dans la forêt des sens."

LE PROGRÈS, mardi 19 février 2002

 La traductrice

Le but d'un auteur est d'être lu de manière la plus exhautive qui soit. C'est pourquoi, pour son dernier recueil, "La Jeune fille", Christian Cottet-Emard a souhaité être traduit dans une autre langue méditerranéenne, le Portugais. Démarche originale : il a confié cette traduction à une étudiante Suzana Marto, assistée d'un professeur :Marie- France Felices

C.Cottet-Emard s'est entouré de sensibilités féminines pour traduire sa "Jeune fille". De gauche à droite : Marie-France, Suzana, Marie

Alma s'en va

éditions Orage-Lagune-Express, 1998

Nouvelle

Une note de Christian Moncel dans LA PETITE REVUE DE L'INDISCIPLINE (Numéro 76, Automne 2000) B.P 1066 69202 LYON CEDEX 01 (France)

"Un seul pas de côté suffit à mon chemin et me fit découvrir cette précieuse plaquette, viatique au désenchantement quotidien entonné en choeur par sa dynamique jubilatoire qui permet de casser la course, d'habiter où l'on erre, joyeux, se ruer où l'on tâtonne. Aux bavards sédatifs, à la créature qui se crut créateur, au vide qui prend toute la place, y compris celle de l'air. Cottet-Emard rappelle la réalité sensible de l'écorce et de l'étoffe, de la forêt et de l'écume, échos tant attendus... à l'étendue de mes silences."

"L'alerte joyeuse"

éditions Orage-Lagune-Express, 1997,

un poème en prose

Une note de Anne-Lise Blanchard dans VERSO n° 112, (trimestriel, Alain Wexler, le Genetay, Lucenay, 69480 Anse)

"Un seul pas de côté suffit à mon chemin et me fit découvrir cette précieuse plaquette, viatique au désenchantement quotidien entonné en choeur par sa dynamique jubilatoire qui permet de casser la course, d'habiter où l'on erre, joyeux, se ruer où l'on tâtonne. Aux bavards sédatifs, à la créature qui se crut créateur, au vide qui prend toute la place, y compris celle de l'air. Cottet-Emard rappelle la réalité sensible de l'écorce et de l'étoffe, de la forêt et de l'écume, échos tant attendus... à l'étendue de mes silences."

"Jean Tardieu ,un passant, un passeur,"

essai, éditions La Bartavelle, 1997

Une chronique "La fabrique des mots de Tardieu" , par Aube Lalvée, dans la rubrique "Actualité littéraire" de Lire.fr, mars 2003

"Un enfant qui serait aussi un vieillard, un vieillard qui serait aussi un enfant", c'est ce que répond Jean Tardieu à la question : qui êtes-vous ? Et si on lui avait demandé : que sont les mots ? Il aurait sûrement répondu : un signe qui est aussi une chose, une chose qui est aussi un signe. Ce poète dramaturge, a tenté de réintégrer le mot dans sa matérialité en jouant à en décontextualiser les usages. Ses pièces, Un mot pour un autre et Un geste pour un autre, en sont des exemples significatifs. Tardieu, c'est l'obsession du visuel, de la sonorité et de la langue.

Après sa mort, un journaliste, Christian Cottet-Emard, a entrepris de rédiger en son hommage "un livre d'amitié". A l'occasion de sa parution, Jean Tardieu, un passant, un passeur, les éditions Orage-Lagune-Express dédient quelques pages à Jean Tardieu. Elles regroupent un repère biographique, un entretien avec l'auteur et une interview où Christian Cottet-Emard évoque leur rencontre. En passant, nous apprenons que ce journaliste habitait à proximité du poète et qu'adolescent, il préférait la compagnie de ses mots plutôt que celle des maths. Le tout est agrémenté de deux photos inédites. Le personnage, son humour incisif et sa pertinence laissent comme une impression de rencontre absolue.

 

 

ACTUALITÉ RHÔNE-ALPES DU LIVRE, mensuel n° 132, mars 98, de Michel Cornaton

 

Nous exprimons notre reconnaissance à Christian Cottet-Emard, qui a eu la bonne idée de rassembler et de porter à la Bartavelle des textes de Jean Tardieu ainsi que des entretiens parus dans des publications pas toujours aisément accessibles. Jean Tardieu et Christian Cottet-Emard sont du même pays, le Jura de l'Ain : le premier est né à St-Germain de Joux et le second à Montréal, c'est à dire dans ce triangle qui va de Saint-Claude à Bellegarde en passant par Nantua. Christian Cottet-Emard collabore à plusieurs revues littéraires, il a aussi publié des recueils de poésie en Italie et en France, entre autres l'Inventaire des fétiches et le passant du grand large, chez Orage-Lagune-Express. Cette fois, il a voulu passer un moment avec un de ses maîtres, Jean Tardieu.

A celui qui n'écoute pas, il n'est pas donné de se faire entendre. Justement, si Tardieu a été entendu, c'est bien parce qu'il a beaucoup écouté. Nous qui l'avons côtoyé et aimé nous savourions à chaque fois sa faculté d'écoute, des êtres et du monde. D'entrée, Christian Cottet-Emard écrit que si on saluait Rimbaud le "Voyant", on pourrait considérer Tardieu comme l'"Écoutant". Puis il nous conduit au pays natal, de présence en absence, de départ en retour, d'une rive à l'autre du temps, avant de reprendre les poèmes inédits offerts par Jean Tardieu au Croquant, ainsi que le bel entretien effectué Maison Roger Vailland, à Meillonas, par lui-même et Paul Gravillon. L'ouvrage se termine par l'allocution prononcée à Bourg-en-Bresse par Jean Tardieu, lorsque lui fut remis le Prix Voltaire du Conseil général de l'Ain, créé par Le Croquant. Un livre agréable qui rappelle de bons et grands moments.

LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ, dimanche 22 février 1998

 

La Valserine et la Semine, pays des fleuves cachés

Bellegarde. Dans son dernier essai "Jean Tardieu, un passant, un passeur", Christian Cottet-Emard évoque le poète et auteur de théâtre, né à Saint-Germain de-Joux, et ses liens intimes avec son pays natal.

Lycéen à Oyonnax, Christian Cottet-Emard lisait déjà les poèmes de Jean Tardieu pendant les cours de math. C'est en 1988 qu'il rencontre enfin l'auteur, lorsque celui-ci revient dans sa maison natale de Saint-Germain-de-Joux. Tout de suite le courant passe entre les deux hommes : "C'était une personne très simple et ouverte, doublée d'un sacré bon vivant !" se souvient Christian Cottet-Emard.

Peut-être Jean Tardieu se rattrapait-il ainsi d'un épisode fâcheux de sa petite enfance. Placé en nourrice à St-Germain, sa mère l'avait immédiatement retiré lorsqu'elle avait appris qu'on lui donnait du Bleu de Gex ; elle avait peur que le fromage nuise à sa santé !

Mais la Semine n'évoquait pas seulement la gastronomie pour Jean Tardieu. C'était avant tout le "pays des fleuves cachés". Cette formule a d'ailleurs influencé toute son œuvre. Car elle désignait son pays natal, mais aussi sa vision de la poésie. La Valserine et la Semine sont des rivières sauvages qui plongent sous terre, disparaissent, puis refont surface. De la même manière, le sens d'un poème échappe parfois au lecteur pour réapparaître plus tard, en pleine lumière. Et Christian Cottet-Emard d'ajouter : "Quand l'eau circule sous terre, elle prend le temps de s'enrichir!"

V.G

VISAGE DE L'AIN N°2, juin, juillet, août 1998

Jean Tardieu, poète et dramaturge, est né en 1903 à St-Germain-de-Joux dans l'Ain. Écrivain majeur de ce siècle, il est décédé en 1995.

Christian Cottet-Emard, poète né et vivant dans l'Ain, lui rend hommage fidèle à l'affirmation de Jean Tardieu : "Les poètes ne seraient rien si l'on ne parlait pas d'eux avec intelligence et amour".

L'ouvrage de Christian Cottet-Emard est en fait un recueil composé d'un essai, d'un entretien et d'un discours, complété de repères biographiques, de photographies en noir et blanc et de reproductions de poèmes de Jean Tardieu.

Au travers du court essai intitulé "Jean Tardieu, un passant, un passeur", avec en toile de fond une journée de juillet 1988 où Jean Tardieu est revenu à l'improviste dans sa maison natale, Christian Cottet-Emard, qui l'accompagnait, évoque l'homme, l'œuvre et ses thèmes, en développant particulièrement celui du temps.

Bien que Jean Tardieu n'ait pas vécu longtemps dans sa région d'origine, Christian Cottet-Emard souligne "le rayonnement secret de cette terre dans la pensée de Jean Tardieu qui s'en est éloigné sans la quitter vraiment" et rappelle "la rivière la Semine, l'un des ruisseaux enfantins dont le cours, en surface comme en profondeur, irrigue l'œuvre du poète". Le recueil s'achève par l'allocution "Voltaire hors du temps et près de nous" prononcée par Jean Tardieu à Bourg-en-Bresse en 1991 lorsque fut remis le prix Voltaire, l'hôte de Ferney, figure avec Baudelaire et Goethe parmi les quelques "phares" de la littérature qu'il a admiré.

 

L'inventaire des fétiches

éditions Orage-Lagune-Express,1988

prose

Pierre SEGHERS, 17 janvier 1986

"J'ai bien reçu votre recueil de chroniques dont j'ai beaucoup apprécié le ton, "petits poèmes en fraude" (comme dirait mon ami Richard Rognet) glissés dans les plis du temps". Il serait souhaitable qu'elles soient recueillies dans un livre".